1. Le droit à l’oubli
Depuis un arrêt promulgué par la Cour de Justice de l’Union européenne en mai 2014, chaque internaute a la possibilité de faire valoir son droit à l’oubli.
En d’autres termes, chacun d’entre nous peut légalement demander à un moteur de recherches de délier de notre nom des contenus que l’on juge offensants ou qui concernent notre vie privée.
Ce droit n’est toutefois pas absolu : le plaignant doit se confronter à toute une série d’analyses visant à déterminer le bien-fondé de sa demande. Celle-ci est basée sur la nature de l’information, sa sensibilité pour la vie privée du plaignant et l’intérêt porté par l’information vis-à-vis du public.
Par exemple, un homme politique aura mille difficultés à faire retirer de sa liste de recherches un lien vers une décision de justice qui lui a été défavorable, car cette information peut concerner le public au premier chef.
La décision de la CJUE vise d’abord les moteurs de recherches, et particulièrement Google qui était l’accusé dans le jugement qui a donné lieu à cet arrêt. Mais tous les sites sont potentiellement concernés, au cas par cas.
2. Dans quels cas peut-on demander un déréférencement ?
Voici une sélection des critères les plus notables pour lesquels vous pouvez légitimement demander un déréférencement d’une information vous concernant (parmi une liste de 13 critères publiés par la CNIL et qui justifient d’un droit à l’oubli pour Google et ses équivalents) :
• Être une personne physique
• Démontrer que les informations sont inexactes ou trompeuses
• Démontrer que les données sont diffamatoires, injurieuses, calomnieuses, ou qu’elles reflètent une opinion personnelle et non un fait avéré
• Démontrer que les informations sont sensibles, liées à l’origine raciale, à l’ethnie, aux opinions politiques, aux convictions religieuses ou philosophiques, à l’appartenance syndicale, à la santé ou à la vie sexuelle
• Prouver que les données peuvent produire un impact négatif disproportionné sur la vie privée ou professionnelle du plaignant, dès lors que la connaissance de ces données n’a pas d’intérêt pour le public (donc en dehors d’une personne publique)
• Être mineur (l’intérêt d’une personne mineure prime dans tous les cas)
Dans la plupart des cas, notamment pour les moteurs de recherche, il suffit pour faire valoir son droit à l’oubli de remplir un formulaire en ligne.
3. Prendre en compte son e-réputation
L’importance du déréférencement Google apparaît dès lors que vous commencez à prendre en considération votre e-réputation, c’est-à-dire la façon dont la Toile parle de vous. Ou, pour être plus exact, le type d’informations que les moteurs de recherches font apparaître quand quelqu’un tape votre nom.
La décision de la CJUE est fondamentale car elle reconnaît implicitement que la notion d’e-réputation est devenue partie intégrante de notre identité. En cela, elle nécessite d’être maîtrisée.
Pourquoi ? Parce que les informations qui apparaissent vous concernant peuvent être fausses, caduques, personnelles ou simplement encombrantes, et qu’en l’état, n’importe quel utilisateur peut tomber dessus d’un simple clic.
Imaginez par exemple que vous répondiez à une annonce pour un travail, et que, CV en main, votre employeur potentiel se lance dans une recherche affiliée à votre nom. Vous aimeriez alors que des données personnelles, potentiellement gênantes, n’apparaissent pas du tout ou, du moins, arrivent le plus loin possible dans la liste des résultats.
La nature de ces données peut être de tout ordre : ethnique, religieux, politique, intime. La notion d’e-réputation « sale » est subjective, mais elle est déterminante pour chacun d’entre nous. Le déréférencement permet de se protéger de ce genre de cas.
4. Le droit à l’oubli est-il une solution efficace ?
Dans les faits, pas tellement. Un an après l’arrêt de la CJUE et la mise en application du droit à l’oubli, les résultats ne trompent pas : sur plus de 260 000 demandes reçues par Google sur l’ensemble de l’Europe, environ 70% ont été recalées.
Dans un peu plus de deux-tiers des cas, le géant de l’internet a refusé de désindexer des données qui portaient atteintes à la vie privée – numéro de téléphone ou adresse postale ; apparente – ou qui avait trait au monde du travail – un licenciement gênant, par exemple.
Comme toute décision judiciaire, l’arrêt de la Cour est interprétable à l’envoi, comme le sont les critères mis en place pour exercer son droit à l’oubli. Google argue donc du fait que ses refus ont été motivés par le fait que les informations concernées ne rentrent pas dans les critères objectifs établis.
Sauf que l’objectivité a peu à voir avec les besoins des internautes qui réclament un droit à l’oubli : une information peut être jugée sensible pour quelqu’un sans que ce soit le cas pour quelqu’un d’autre. Un webmaster ne sera pas gêné du fait que son numéro de téléphone soit facilement trouvable sur internet ; mais le policier, lui, pourrait le vivre désagréablement.
En cas de refus, des recours existent, devant la CNIL d’abord, puis devant la justice.
5. Déréférencer n’est pas égal à effacer
D’autres solutions existent pour exercer soi-même son droit à l’oubli en cas de rejet de sa demande.
Sachez que, même si le moteur de recherches accède à votre demande de déréférencement, le contenu pointé du doigt n’est pas gommé. Il est simplement délié du nom du demandeur, c’est-à-dire qu’il n’est plus trouvable lorsque l’on tape le nom de la personne.
L’information reste néanmoins en ligne, et accessible via d’autres moyens, idéalement en passant par le site concerné. Vous pouvez toujours faire une demande plus précise auprès du site en question pour qu’il retire l’information, mais c’est une démarche longue et dont l’efficacité n’est pas assurée.
Une solution efficace consiste donc à « noyer » les pages problématiques en les faisant reculer dans la liste des résultats de Google, par exemple. Cette technique est valable pour les personnes physiques, mais peut tout autant être profitable aux entreprises et personnes morales qui, elles, ne peuvent accéder au droit à l’oubli.
Vous pouvez ainsi faire en sorte que les premières pages de résultats affichent des données positives, et reléguer les informations encombrantes à des pages que les internautes consultent moins souvent, voire jamais. Et le tour est joué !
Joli rappel 🙂
Cependant ce qui manque absolument aujourd’hui c’est la partie « éducation » , personne n’explique à nos internautes préférés qu’il faut vraiment qu’ils réfléchissent avant de faire n’importe quoi et de surtout publier n’importe quoi !
Je ne compte plus les « rattrapages » que je peux faire auprès de mon entourage, et les ados en larmes que j’ai consolé ! ou ceux à qui j’ai passé un savon devant tant de crédulités !
Il faudrait vraiment que l’on explique la difficulté de faire déférencer une page ou même de la faire disparaitre dans les bas fonds des classements.
ou sinon non et cela nous fournira de jolies missions de nettoyage en perspective pour les 15 prochaines années minimum 🙂